Aube sur le Causse, par Theo G N - CC BY NC ND
C'est pour moi le plus beau roman de Sophie Divry, dont j'avais déjà adoré La cote 400 - obligée de rire à cette salve tordante sur les bibliothécaires, j'y retrouve tellement de choses vécues ! - et Quand le diable sortit de la salle de bain - portrait acide, humoristique et beau, d'une jeune femme sans le sou regardant son plafond pour oublier qu'elle a faim.
Trois fois la fin du monde c'est l'histoire de Joseph, qui se laisse entraîner par son frère dans le braquage d'une banque. Le frère est abattu par la police sous ses yeux, il est capturé et envoyé en prison. Plongée en enfer, décrite avec une précision brutale. Il survit pourtant. Et puis un jour, le monde s'effondre. Une catastrophe écologique, ou quelque chose dans le genre. Joseph s'échappe dans la nature et tente de se reconstruire une vie sauvage, tel un Robinson Crusoé des temps modernes. Description minutieuse des petites choses du jour, des efforts pour rebâtir une vie, quand on n'a plus rien.
C'est un roman âpre et tendre à la fois, qui prend acte de la brutalité du monde, tente cependant de trouver d'autres chemins pour s'en sortir, sans aucune mièvrerie, avec force et courage.
« Il boit un coup de rhum, il prend une cuillère de Nesquik qu'il laisse fondre sous sa langue.
Avec un peu de patience, peut-être que son corps va monter, comme une goutte de rosée s'évapore, peut-être que les étoiles vont le prendre, le soustraire à la gravité, et qu'il pourra quitter cette terre. Oui c'est cela. Que les étoiles le prennent, que les étoiles l'aspirent, qu'il sombre dans le ciel. Emmitouflé dans ses laines, Joseph regarde la fin de l'homme. Parce que là-haut, il en est sûr, il n'y a plus d'hommes, enfin.
Il faudrait parvenir à détruire ce monde.
Si les étoiles l'embrassaient, si, sur une fraction de seconde de leur révolution, elles pouvaient le prendre dans leur lumière, et plus tard, plus loin, le laisser tomber dans un autre pays. Pas un pays étranger, mais un pays parallèle. Où on se réveillerait animal ou plante, où s'échangeraient les peaux comme les saisons passent, où il pourrait se laver d'une pensée comme on nettoie une table ; il suffirait de tendre une main et d'enlever les souvenirs qui font souffrir et qui travaillent. »
Sophie Divry, Trois fois la fin du monde, Notabilia, (2018).
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Nostos, du grec νόστος, c'est le retour chez soi et le retour à soi. C'est Ulysse rentrant enfin à Ithaque après son odyssée.
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