nuage zéro ☁

Mes amis de Hisham Matar

Coup de cœur pour ce livre dès les premières pages. L'écriture est à la fois simple et scintillante d'une douce humanité, d'une tendresse jamais mièvre, d'une douleur poignante parfois - sans doute par la grâce de la traduction de David Fauquemberg.

C'est un de ces livres où je voudrais m'arrêter sur presque chaque phrase, chaque page, pour profiter de sa lumière. Et je voudrais arpenter Londres avec Hisham (ou plutôt Khaled, le narrateur) et ses amis.

Il évoque ici un coup de fil avec son père, professeur d'histoire retraité resté en Libye, tandis que lui est parti étudier à Londres et fuir la dictature de Kadhafi :

J'ai senti mon amour pour lui se rassembler - aussi lourd et solide qu'une pierre au creux de ma poitrine. L'historien talentueux qui était parvenu à préserver une indépendance appartenait à cette armée silencieuse qui existe dans tous les pays, formée d'individus parvenus à la conclusion qu'ils vivent parmi des compatriotes déraisonnables et qu'ils doivent par conséquent, tels des adultes dans une cour d'école, endurer le chaos jusqu'à ce que la sonnerie retentisse, résignés au fait que cela aura sans doute lieu bien après leur disparition. Je décelais dans son souffle régulier cette vieille patience pleine de résilience, imperturbable même face à ce qu'il savait maintenant : son aîné, son fils unique, qui portait son nom de famille pour le transmettre à son tour, "Khaled le lecteur", Khaled le "garçon raisonnable avec un tempéraent égal et un don pour soupeser les choses" comme je l'avais entendu le dire à d'autres plus d'une fois, "mon fils au brillant avenir" avait été assez stupide pour croire qu'il pourrait se cacher derrière un masque, faisait partie des victimes de la fusillade qui avait eu lieu devant l'ambassade de Lybie à Londres le 17 avril 1984, et figurait donc désormais, à tout jamais, sur une liste noire. (p.156)

À l'écouter, le courage a escaladé les murs et est entré par effraction. (p.181)
— Tu ne trouves pas ça terrible, toi, comme la vie continue ? Elle continue, et continue, sans jamais s'arrêter.
— Terrible, et beau, ai-je répondu. (p.253)

Mes amis de Hisham Matar
ISBN : 9782073033932
Gallimard, 2024