Éloge des bâtards - Olivia Rosenthal
Lecture pour le boulot, mais une assez bonne surprise, au final. Une écriture à la fois simple et mystérieuse, une ambiance lourde de menaces tapies dans les coins.
Dans un univers nocturne et hostile, fait de béton et de milices, un groupe de personnes vit caché dans un appartement paumé près d'une bretelle d'autoroute. Ils se racontent peu à peu leurs histoires, toutes faites d'abandons, de familles dissoutes. En acceptant de se dire, ils découvrent que cela retisse de nouveaux liens, répare peut-être des blessures, et renforce leurs capacités de résistances.
« Clarisse semblait affolée. Peut-être qu'elle avait peur des jamais et des toujours, qu'elle était encore un peu jeune pour des récits qui, au lieu d'ouvrir des possibles, décrivaient comment des portes s'étaient fermées. »
Olivia Rosenthal. Éloge des bâtards. Verticales, 2019, p.42
« Oui, il y a des petites mains anonymes qui contreviennent aux règles, au droit, à la hiérarchie, il y a des petites mains qui reçoivent les lettres et apprennent à reconnaître sous les mots un tremblement, et le tremblement se propage jusqu'à elles, elles tiennent une flamme vacillante qu'elles protègent contre le vent. Personne ne sait à qui appartiennent ces petites mains mais elles font leur ouvrage, c'est elles qui grippent les engrenages, qui humanisent les machines. Le plus difficile, c'est d'y accéder, mais quand on les trouve, souvent par hasard, on se dit que l'existence toute entière inscrite dans les lois échappe à la normalisation généralisée, qu'il y a un interstice par où s'enfuir. »
Olivia Rosenthal. Éloge des bâtards. Verticales, 2019