☁ nuage zéro ☁

Récitatif - Toni Morrison

Courte et puissante nouvelle de Toni Morrison sur 2 petites filles qui se rencontrent dans un pensionnat pour orphelines et enfants abandonnées.

Un intéressant commentaire de Zadie Smith accompagne la nouvelle. Elle y met en lumière la façon dont selon elle l'écriture de Morrison n'assigne jamais ses personnages à une identité monolithique, binaire. Il y a toujours un flou, une ambiguité : d'après Smith, on ne sait pas avec certitude dans cette nouvelle qui est « noir » ou « blanc », qui opprime qui, qui est victime de qui.

Je suis d'autant plus intriguée par ce commentaire que, pour ma part, j'ai assez rapidement identifiée, en lisant d'abord la nouvelle, et peut-être à tort, la petite Twyla comme étant Noire. Je ne vois pas complètement comment on pourrait imaginer le contraire. Mais en tout cas, je suis d'accord sur l'humanité immense de Morrison, sa façon de voir les êtres humains dans leur entièreté, avec leurs forces et leurs faiblesses, dans toutes leurs nuances les plus fines, avec la même générosité face à la (fausse) question raciale que l'on trouve chez Baldwin.

« Que les gens vivent et meurent à l'intérieur d'une Histoire spécifique - à l'intérieur de codes culturels, de codes raciaux et de codes de classe, profondément ancrés - est une réalité indéniable, et souvent belle. C'est ce qui crée la différence. Mais il existe des façons chaleureuses et compréhensives, plutôt qu'étroites et diagnostiques, d'aborder celle-ci. Au lieu de nous contenter de cocher des cases sur des formulaires médicaux - de rendre la différence pathologique -, nous pourrions éprouver pour elle un intérêt discret et apitoyé. Nous n'avons pas toujours à juger la différence, à la catégoriser ou à la criminaliser. Nous n'avons pas à la prendre comme une attaque personnelle. Nous pouvons aussi tout bonnement la laisser tranquille. Ou bien nous pouvons, comme Morrison, éprouver un vif intérêt à son endroit (...) »

Zadie Smith. Postface de Récitatif. Trad. de Christine Laferrière. Christian Bourgois, 2022, p.103