La petite lumière - Antonio Moresco
Ce très court roman italien paru en 2014 chez Verdier m'intrigue depuis quelques années déjà, car c'est le nom d'une petite librairie de la rue Boulard, dans le 14e. Son propriétaire, Olivier Renault, est une figure du quartier, un homme plein de verve, à l'œil pétillant, qui écrit des bouquins sur Bonnard ou sur l'histoire de Montparnasse.
Je me demandais ce qu'il pouvait y avoir d'aussi fort dans ce livre pour que quelqu'un comme ce type choisisse de donner son nom à sa librairie.
Je le dévore en un rien de temps. C'est presque une nouvelle (108 pages). Un conte, oscillant entre effroi et émerveillement.
Un homme seul dans la montagne, au cœur d'une nature sauvage, foisonnante, parfois hostile. Le corps à rude épreuve, les insectes qui grouillent, les animaux sauvages qui rôdent.
Chaque soir, il voit de l'autre côté de la montagne une petite lumière s'allumer dans la végétation, là où il ne devrait y avoir rien d'autre que de l'obscurité, car personne n'habite cette zone éloignée de tout.
« Avant de sortir de chez moi, j'ai pris les jumelles que j'ai apportées jusqu'ici mais dont je ne me sers jamais, parce qu'il n'y a rien à voir, sauf cette étendue impénétrable d'écume végétale qui recouvre le monde à perte de vue.
Je les pointe sur cette petite lumière. Je manœuvre la molette un peu faussée, pour faire le point, parce que la petite lumière semble s'élargir et se rétrécir, comme si je la voyais de l'autre côté d'une surface d'eau. Mais je n'arrive pas bien à voir, peut-être à cause du passage de mes cils sur la lentille , ou peut-être parce que sur mes yeux encore plein de sommeil il y a ce voile liquide qui déforme les contours et fait déflagrer les lumières. On ne comprend pas ce que c'est, cette petite lumière, encore moins à l'œil nu. On ne comprend pas si c'est une lumière qui filtre d'une fenêtre ou bien un réverbère peu élevé, suspendu à un câble. Et pourtant, on dirait qu'elle grandit de plus en plus en intensité, on dirait qu'elle palpite. »Antonio Moresco. La petite lumière. Trad. de Laurent Lombard. Verdier, 2014, p.28.
D'où vient-elle, cette petite lumière au milieu de nulle part ?
Et d'où vient-elle, cette force vitale irrésistible qui palpite dans chaque recoin de la forêt, cette force brute, gargouillante, qui traverse les corps sans leur demander leur avis, pour les dresser vers le ciel ?
