Si la Chine était un village - Liang Hong

Ce livre est un extraordinaire témoignage des profondes transformations en cours des zones rurales de Chine.
L'autrice Liang Hong est originaire du village de Liangzhuang (district de Rang, province du Henan, située au centre Est du pays), et l'une des rares personnes de cette zone agricole à avoir fait des études universitaires.
Mais cette réussite sociale et sa vie urbaine aisée la mettent en décalage profond avec ses originies villageoises, au point qu'elle se met à en éprouver de la « honte » et une perte de sens. Elle décide alors de renouer avec ses racines, avec « la vraie vie » de Liangzhuang.
Elle retourne vivre dans son village plusieurs mois en 2008-2009, et interroge longuement sa famille et de nombreux autres habitants. Leurs voix retranscrites dans le livre dessinent ainsi un portrait riche et passionnant de la vie à Liangzhuang au 21e siècle. Triste aussi, tant est prégnant à chaque page le sentiment que cette zone, autrefois vibrante, est aujourd'hui de plus en plus abandonnée, à la fois par ses habitants, partis vendre leur force de travail dans les usines des grandes villes, et par les politiques publiques, qui n'ont d'yeux que pour la « modernité » industrielle.
Il y a cet esprit de clan qui perdure malgré tout : le village est découpé en différents clans, qui doivent chacun tenir leur place et leur réputation. Mais la solidarité à l'intérieur de ces groupes est mise à rude épreuve par le délitement des liens sociaux à la faveur de logiques économiques et financières.
Liang Hong raconte ces pères et mères laissant leurs enfants aux soins de leurs grands-parents pour partir vivre et travailler dans les usines-dortoirs des grandes métropoles, souvent chacun de son côté, ce qui a des conséquences à la fois sur le couple qui ne partage plus son quotidien, et sur les enfants, qui poussent un peu tout seuls devant les grands-parents désemparés.
Elle raconte aussi les maisons familiales abandonnées dans la campagne, menaçant de tomber en ruines. Ou le pavillon qu'ils font construire avec l'argent gagné au loin, mais qu'ils n'occupent jamais.
Il y a aussi cet adolescent devenu fou, qui massacre une grand-mère et se livre sur son corps à la nécrophilie, sans raison ni aucune émotion, juste pour voir ce que ça fait.
Des petits fonctionnaires lui racontent encore comment ils sont abandonnés par leur hiérarchie avec peu de moyens et beaucoup de responsabilités. Certains se noient dans l'alcool pour faire face, et du coup, font n'importe quoi.
On voit dans ce livre une Chine rurale inconnue, jamais racontée dans les médias occidentaux.