La nuit du papillon d'or - Tariq Ali
Je suis au départ fascinée par ce récit - qui trainait depuis quelques années dans ma bibliothèque - d'une certaine jeunesse pakistanaise dans les années 70. C'est comme si une fenêtre s'ouvrait tout à coup sur un monde que je connais à peine.
Il y a ces conversations politiques dans les cafés de Lahore entre jeunes hommes qui aiment s'invectiver de façon graveleuse (« baise-crapaud », « giton mesquin »...). L'un d'eux, le plus étonnant, le plus anticonformiste, se fait surnommer Platon. C'est un rescapé des pogroms du Pendjab oriental pendant la tragédie de la Partition de 1947.
Il y a surtout l'histoire d'amour impossible entre le narrateur, Dara, l'un de ces jeunes hommes de Lahore, et la belle et sagace Jindié, pakistanaise d'origine chinoise et Hui. Leur histoire se construit comme en reflet du classique de la littérature chinoise du 18e, Le rêve dans le pavillon rouge de Cao Xueqin.
Dans ce roman aussi érudit que tonique et plein d'humour, je découvre également l'histoire de Dù Wenxiù qui prit le nom de Suleiman à la tête de la rebellion anti-mandchous du peuple Hui (musulmans chinois) dans la région du Yunnan au 19e.
Le livre est d'ailleurs parcouru de réflexions sur les relations difficiles entre le monde musulman, dont vient le narrateur qui s'en est détourné au profit du marxisme, et les autres cultures, qu'elles soient Han, ou occidentale.
Si ce livre m'apprend énormément de choses et m'ouvre des portes sur ces univers, il m'agace aussi souvent par une forme de sexisme subtil, car tout tourne autour des relations du narrateur aux diverses femmes qui traversent sa vie.
Et puis les passages à Paris avec son amante Zaynab sont parfois ridicules de snobisme, et plein de clichés sur la vie parisienne qui se résume à ses cercles littéraires et aux balades sur les traces de Balzac.
Enfin je regrette que le personnage de Platon, au début si proéminent dans le livre, disparaisse finalement trop vite, en ayant été seulement esquissé. J'aurais voulu en savoir davantage !
Mais le livre me plaît tout de même suffisamment pour ralentir ma lecture alors que je m'approche de sa fin, pour rester encore un peu dans ce regard pakistanais sur le monde contemporain. Un point de vue si rare de ce côté-ci du monde.
C'est le 5e et dernier tome du Quintet de l'Islam paru chez Sabine Wespieser.